La période post partum est un moment intense, marqué par de profonds bouleversements physiques, émotionnels et identitaires. Le yoga postnatal, en tant que pratique douce et adaptée, accompagne la mère dans cette phase de reconstruction, où le corps se remet des efforts de la grossesse et de l’accouchement, tandis que le mental navigue entre joie, incertitudes et fatigue. C’est souvent un temps où la connexion à soi-même est fragilisée, mais aussi une opportunité de se renouveler.
La reprise du mouvement, en douceur, peut jouer un rôle fondamental pour se recentrer. Plus encore, lorsqu’elle se partage avec bébé, elle peut renforcer ce lien naissant. Le yoga postnatal propose non seulement des postures adaptées, mais surtout un espace de présence partagée et de langage corporel entre parents et enfants.
L’objectif de cet article est d’explorer comment le yoga postnatal, pratiqué avec bienveillance, peut devenir une véritable expérience de connexion parent‑bébé, favorisant la reconstruction corporelle, émotionnelle et relationnelle.
I. Qu’est-ce que le yoga post-natal ?
Le yoga post-natal est une pratique spécialement adaptée aux mères après l’accouchement, souvent introduite dès la phase de rééducation du périnée. Il inclut des postures douces, des exercices de respiration et des temps de recentrage en conscience.
Objectifs principaux :
- Soutenir la récupération physique (périnée, abdominaux, dos) grâce à des mouvements ciblés et progressifs ;
- Reconnecter au souffle, à l’énergie vitale et à la conscience corporelle ;
- Offrir un moment de recentrage et de cohérence intérieure au sein du tumulte du post-partum.
Contrairement au yoga classique ou au yoga prénatal, la version post-natale est centrée sur la remise en force progressive du corps après l’accouchement, sans exigences élevées. Elle peut se pratiquer sans bébé ou avec, selon les besoins du duo mère‑bébé.
💡 Bon à savoir : dans les séances incluant bébé, les postures favorisent le contact, le regard et la régulation mutuelle.
II. Le lien parent‑bébé par le corps
Bébé communique d’abord via le corps : regards, gestes, tonus, mimiques. Le mouvement partagé, les bercements et les postures douces créent un espace de sécurité affective. En yoga mère‑bébé, le parent apaise le bébé, et ce dernier informe le parent via ses signaux — un processus de co‑régulation essentiel pour les deux.
Le yoga devient alors un langage corporel : un moment de présence sans mots, où bébé peut simplement observer, imiter, s’endormir contre le parent ou jouer librement. Le toucher nourrissant, le regard doux et l’intention bienveillante dans les postures renforcent cette interaction non verbale.
III. Les bienfaits du yoga post-natal pour le duo maman‑bébé
1. Pour la maman
Le yoga post-natal permet un soulagement progressif des tensions musculaires (dos, épaules, bassin) et favorise le renforcement du plancher pelvien ainsi que des abdominaux profonds grâce à des postures ciblées, tout en contribuant à une meilleure respiration consciente et à la reprise de confiance corporelle [1].
Par ailleurs, des études se sont penchées sur son utilité dans la réduction de la dépression et de l’anxiété postnatales. Une étude randomisée sur des femmes atteintes de dépression post-partum a montré que la pratique régulière du yoga entraîne une amélioration significative des symptômes dépressifs, anxieux et de la qualité de vie, avec près de 78 % des participantes en amélioration cliniquement significative [2, 3].
💡 Bon à savoir : une revue systématique récente (377 femmes issues de plusieurs pays) confirme que le yoga postnatal est associé à une diminution des symptômes dépressifs, une augmentation du bien-être psychologique et de la qualité de vie post-partum 4].
2. Pour le lien mère‑bébé et le sentiment d’attachement
Renforcement de l’attachement maternel et de la confiance
Plusieurs études viennent confirmer les bienfaits du yoga postnatal sur la relation mère-enfant. Une recherche menée auprès de 124 mères primipares, dont les bébés étaient âgés de 20 à 40 jours, a montré que la pratique régulière du yoga postnatal (deux fois par semaine pendant huit semaines) augmentait significativement le sentiment d’attachement maternel ainsi que la confiance d’une mère dans sa capacité à allaiter (auto-efficacité liée à l’allaitement) en comparaison avec un groupe témoin [5].
Développement personnel et meilleure qualité de vie physique et mentale
Les effets de cette pratique ne se limitent pas à la sphère émotionnelle. Sur le plan global du bien-être, une étude randomisée menée auprès de 160 jeunes mères a mis en évidence que dix semaines de yoga quotidien entraînaient une amélioration notable de la croissance personnelle post-traumatique, ainsi qu’une hausse significative des scores de qualité de vie, incluant l’énergie, la santé mentale, la fonction sociale et la santé physique [6].
3. Pour le bébé et le lien corporel
Bien que peu d’études ciblent directement l’effet sur le bébé, les résultats précédents combinés à la logique des interactions parent‑enfant suggèrent que :
- Les bercements, le contact doux, la respiration synchronisée apaisent le bébé et stimulent ses sens dans un cadre sécurisant ;
- Les moments partagés favorisent une co-régulation parent-enfant, essentielle pour instaurer un attachement sécure ;
- En créant des rituels corporels, la pratique développe la présence consciente du parent, ce qui améliore la reconnaissance et la réponse aux signaux du bébé.
💡 Bon à savoir : ces données scientifiques soutiennent que le yoga postnatal n’est pas seulement bénéfique pour la récupération physique, mais agit aussi puissamment sur le mental, l’attachement maternel et le bien-être du duo mère-enfant.
En incarnant un espace de présence partagée, cette pratique permet de renforcer le lien corporel, émotionnel et psychologique dès les premières semaines post-partum.
IV. Comment pratiquer le yoga post-natal à deux : postures et conseils
1. Précautions à prendre avant de commencer le yoga postnatal
Avant de se lancer, il est essentiel d’obtenir l’avis de son médecin ou de sa sage-femme. Chaque corps a son propre rythme de récupération, et il est important de le respecter.
On évitera les postures trop exigeantes, surtout en cas de cicatrice récente (épisiotomie ou césarienne) ou de diastasis des grands droits.
2. Cadre de pratique
Pour profiter pleinement de la pratique, installez-vous dans un espace calme et confortable. Un tapis moelleux, quelques coussins, une lumière douce… tout contribue à instaurer une ambiance apaisante.
Inutile de viser de longues séances : 15 à 30 minutes suffisent largement pour se reconnecter à soi, à son corps et à son bébé, sans puiser dans ses réserves.
3. Postures simples à pratiquer avec bébé
👉 Voici quelques postures douces et accessibles à partager avec votre bébé, pour favoriser à la fois détente, éveil corporel et complicité au quotidien :
- Papillon : bébé posé sur les jambes, ouverture douce des hanches ;
- Étirements latéraux en portant bébé en écharpe ou posé face à soi ;
- Chat-vache : expliqué doucement pendant que bébé observe ou reste à côté ;
- Respiration en contact : mains posées sur le ventre de bébé lorsqu’il est allongé contre soi ;
- Relaxation allongée : bébé sur la poitrine ou contre soi, temps d’accueil et de douceur.
💡 Bon à savoir : permettez-vous une séance fluide, non linéaire, avec des pauses. L’important n’est pas la performance, mais la qualité de présence : être à l’écoute de soi et de bébé, s’adapter à l’instant.
4. Zoom sur le yoga post-natal De Gasquet
La méthode de Bernadette de Gasquet, médecin et professeure de yoga, est aujourd’hui largement reconnue pour sa pertinence en post-partum. Elle propose une approche préventive et respectueuse du corps féminin, fondée sur la respiration, le bon placement du bassin et la protection du périnée.
🧘♀️Les grands principes de la méthode :
- Travailler en synergie abdos / périnée, pour éviter les pressions délétères sur le ventre ;
- Utiliser une respiration expiratoire active, en rentrant le bas-ventre sur l’expiration ;
- Favoriser le placement neutre du bassin dans les postures (éviter l’hypercambrure) ;
- Adapter les mouvements au quotidien des jeunes mamans (porter bébé, se lever du lit, allaiter…).
Cette méthode peut tout à fait être intégrée dans une séance de yoga postnatal avec bébé :
✔️ En pratiquant des postures simples en conscience,
✔️ En engageant doucement la sangle abdominale profonde,
✔️ Et surtout, en respectant la physiologie du corps post-partum.
C’est une approche idéale pour les mamans souhaitant reprendre confiance dans leur corps tout en protégeant leur plancher pelvien. Des formations spécialisées existent également pour les professionnels souhaitant accompagner les femmes selon cette méthode.
V. Quand bébé commence à vadrouiller : adapter le yoga aux petits explorateurs
1. Une phase de mouvement… et d’autonomie
Aux alentours de 8 à 18 mois, bébé entre dans une phase de développement intense : il rampe, se met debout, marche parfois, explore tout ce qui l’entoure… et reste rarement en place. Cette étape peut faire hésiter les parents à poursuivre le yoga post-natal avec leur enfant, de peur qu’il ne « tienne pas en place ». Pourtant, cette période est justement idéale pour renouveler la pratique avec encore plus de liberté et d’écoute mutuelle.
2. Un yoga plus libre, plus vivant
L’objectif du yoga avec un petit qui se déplace n’est plus de “faire des postures ensemble”, mais de créer un cadre souple et sécurisant, dans lequel chacun peut bouger à son rythme. L’enfant explore, joue, revient, repart — pendant que le parent alterne entre postures douces, étirements ou simples respirations au sol.
Parfois, c’est bébé qui inspire un mouvement, en grimpant sur le parent, en se plaçant sous ses bras ou en initiant un contact. D’autres fois, l’adulte propose une posture à deux ou un jeu corporel simple (roulis, balancement, bercement), en suivant les signaux d’ouverture ou de retrait de l’enfant.
3. Une invitation à la présence partagée
Cette phase, souvent joyeuse mais chaotique, est une merveilleuse occasion de cultiver l’écoute du moment présent, la co‑régulation émotionnelle et le respect du besoin d’autonomie de l’enfant. La pratique devient plus intuitive, plus ludique, et profondément vivante. Elle invite le parent à lâcher le cadre classique du yoga, pour renouer avec un mouvement libre, incarné, relationnel.
4. Même sans “vraie séance”… le lien se tisse
Même si la séance semble désorganisée, elle porte en elle une grande richesse de lien, de regard et de présence. Et c’est précisément ce dont bébé (et le parent) ont le plus besoin dans cette période de transition.
Pratiqué sans pression et avec régularité, le yoga avec son enfant peut devenir une véritable habitude de vie, qui évolue et s’adapte à chaque étape de son développement, de la petite enfance jusqu’à l’adolescence.
VI. Intégrer le yoga post-natal au quotidien
Il n’est pas nécessaire de pratiquer une séance complète pour en ressentir les bienfaits. Quelques minutes peuvent suffire : profiter des moments de calme, d’éveil doux ou de sommeil léger de bébé. Intégrer le souffle, la conscience corporelle dans les gestes du quotidien : porter, bercer, allaiter. Créer un rituel récurrent — même simple — comme une chanson douce, une posture ou une ambiance constante renforce l’apaisement.
Rejoindre un groupe de yoga post‑natal avec bébé peut aussi offrir un espace de lien social, de partage d’expérience et de soutien entre parents.
Conclusion
Le yoga post-natal ne se résume pas à une simple reprise d’activité physique : c’est un véritable rituel de reconnexion, à soi-même et à son bébé. Modulable, vivant, il s’adapte à chaque duo et à chaque jour, selon l’énergie, l’émotion, le besoin du moment. En bougeant ensemble avec douceur, écoute et bienveillance, on renforce non seulement le corps, mais aussi le lien, la sécurité intérieure et la joie d’être en relation.
💤 Et pour prolonger cette exploration du lien parent-enfant dans les premiers mois, notre article sur le sommeil du nourrisson vous aidera à mieux comprendre les besoins de bébé et à créer un environnement propice à des nuits plus sereines : 👉 Sommeil et nourrisson : comprendre et apaiser pour favoriser des nuits sereines dès les premiers mois.
Bibliographie
Voir les références scientifiques
- Eustis EH, Ernst S, Sutton K, Battle CL. Innovations in the Treatment of Perinatal Depression: the Role of Yoga and Physical Activity Interventions During Pregnancy and Postpartum. Curr Psychiatry Rep. 2019;21(12):133. Published 2019 Dec 4. doi:10.1007/s11920-019-1121-1
- Munns L, Spark N, Crossland A, Preston C. The effects of yoga-based interventions on postnatal mental health and well-being: A systematic review. Heliyon. 2024;10(3):e25455. Published 2024 Jan 29. doi:10.1016/j.heliyon.2024.e25455
- Vollbehr NK, Hoenders HJR, Bartels-Velthuis AA, Nauta MH, Castelein S, Schroevers MJ, Stant AD, de Jong PJ, Ostafin BD. A mindful yoga intervention for young women with major depressive disorder: Design and baseline sample characteristics of a randomized controlled trial. Int J Methods Psychiatr Res. 2020 Jun;29(2):e1820. doi: 10.1002/mpr.1820. Epub 2020 Feb 17. PMID: 32067293; PMCID: PMC7301287.
- Buttner, Melissa & Brock, Rebecca & O’Hara, Michael & Stuart, Scott. (2015). Efficacy of yoga for depressed postpartum women: A randomized controlled trial. Complementary Therapies in Clinical Practice. 21. 10.1016/j.ctcp.2015.03.003.
- Boybay Koyuncu S, Yayan EH. Effect of Postpartum Yoga on Breastfeeding Self-Efficacy and Maternal Attachment in Primiparous Mothers. Breastfeed Med. 2022;17(4):311-317. doi:10.1089/bfm.2021.0320
- Unver H, Timur Tashan S. Effect of yoga on posttraumatic growth and quality of life in first-time mothers: A randomized controlled trial. J Obstet Gynaecol Res. 2021;47(12):4180-4188. doi:10.1111/jog.15025
Marlène Barthelme
Fondatrice et responsable éditoriale de Famtastique. Après plusieurs années dans le monde de la santé naturelle, je décide de venir en aide aux familles de façon plus générale ✨